1. L’art n’est pas la descente sublime de l’infini dans l’abjection finie du corps et du sexe. Il est au contraire la production, par le moyen fini d’une soustraction matérielle, d’une série subjective infinie.
2. L’art ne saurait être expression de la particularité, qu’elle soit ethnique ou moïque. Il est la production impersonnelle d’une vérité qui s’adresse à tous.
3. La vérité dont l’art est le processus est toujours vérité du sensible, en tant que sensible. Ce qui veut dire : transformation du sensible en événement de l’Idée.
4. Il y a nécessairement pluralité des arts, et quelles que soient les intersections imaginables, aucune totalisation de cette pluralité n’est, elle, imaginable.
5. Tout art est venu d’une forme impure, et la purification de cette impureté compose l’histoire, et de la vérité artistique, et de son exténuation.
6. Les sujets d’une vérité artistique sont les œuvres qui la composent.
7. Cette composition est une configuration infinie, qui, dans le contexte artistique du moment, est une totalité générique.
8. Le réel de l’art est l’impureté idéelle comme processus immanent de sa purification. Autrement dit : l’art a pour matériau premier la contingence événementielle d’une forme. L’art est formalisation seconde de la venue d’une forme comme informe.
9. La seule maxime de l’art contemporain est de n’être pas impérial. Ce qui veut dire aussi qu’il ne doit pas être démocratique, si démocratique signifie : conforme à l’idée impériale de la liberté politique.
10. Un art non impérial est forcément un art abstrait, au sens suivant :
Il s’abstrait de toute particularité, et formalise ce geste d’abstraction.
11. L’abstraction de l’art non impérial ne considère aucun public particulier. L’art non impérial est lié à un aristocratisme prolétaire : il fait ce qu’il dit, sans acception des personnes.
12. L’art non impérial doit être aussi solidement lié qu’une démonstration, aussi surprenant qu’une attaque de nuit, et aussi élevé qu’une étoile.
13. L’art se fait aujourd’hui à partir seulement de ce qui, pour l’Empire, n’existe pas. L’art construit abstraitement la visibilité de cette inexistence. C’est ce qui commande, dans tous les arts, le principe formel : la capacité à rendre pour tous visible ce qui, pour l’Empire, et donc aussi pour tous, mais d’un autre point de vue, n’existe pas.
14. Convaincu de contrôler l’étendue entière du visible et de l’audible par les lois commerciales de la circulation et les lois démocratiques de la communication, l’Empire ne censure plus rien. S’abandonner à cette autorisation de jouir est ruine de...